Dix fois plus vivante que les autres: La Temporalité de la beauté dans Cléo de 5 à 7

Sarah Marjorie Lyon
14 min readAug 28, 2020

13 Mai 2019

Il y a une définition populaire de la traumatisme: l’événement traumatique est celui qui remet en question une croyance fondamentale. Dans le cas de Cléo, la protagoniste de Cléo de 5 à 7 d’Agnès Varda, le cancer pose un tel bouleversement psychique. Un élément d’une importance primordiale de sa conscience de soi plus tôt dans le film (ou son manque d’une telle conscience, il faut dire) est sa beauté. Selon sa propre paradigme de la beauté et de la mort, la beauté se présente et s’impose comme une symbole de la jeunesse et la santé, et comme l’illusion de l’immortalité, une illusion qui est totalement brisée par l’idée de sa maladie. Dans mon argument, j’utilise des théories existentialistes de Jean-Paul Sartre (particulièrement des citations de ses oeuvres L’être et le néant et Huis Clos) par rapport à l’identité, le regard de l’autrui, et la performance du soi pour analyser la première partie du film. Ceci montre la manière de laquelle sa beauté externe la prive de sa subjectivité. Ce qui fait passer sournoisement pour la simple vanité ou l’égocentrisme est vraiment quelque chose de plus grave — une totale manque de conscience de soi et d’identité solide. Ensuite, j’explore la manière de laquelle sa mort imminente expose la temporalité de sa beauté et la rend capable de vivre comme un sujet plutôt qu’un objet esthétique, en utilisant le concept encore assez nouveau de la femme flâneuse.

Pour que nous, les voyeurs, puissions participer dans cette alchimie étrange — cette superposition de la conscience de Cléo sur les nôtres — une subjectivité radicale doit s’imposer sur chaque élément et chaque choix qui ensemble, dans leur intégralité, composent le film. Par exemple, on voit d’une manière concrète la réalisation de cette nécessité vers la structure narrative. Même la façon de laquelle ce film se déroule en forme de chapitres est une choix délibérée qui imprègne l’histoire d’une subjectivité profonde. Agnes Varda éclaire l’intention de cette stratégie, disant que “les chapitres ont des noms de personnes, ils colorent le récit, ou plutôt l’angle sous lequel est peint le portrait de Cléo.” La nature paradoxale de cette affaire est que, bien que le film soit créé, monté, et manipulé d’une façon qui gravite autour de sa perspective et ses expériences subjectives, elle est néanmoins un être humain qui se voit comme un objet esthétique. Le film pose une stricte opposition entre la beauté et la mort, et sa maladie apparemment inévitable met en relief la temporalité de cette beauté précieuse, dont elle semble obtenir toute sa valeur. Plus qu’elle approche de la mort, plus que cette subjectivité se fait connue, et plus qu’elle peut incarner son humanité. Le poète américaine Sylvia Plath a écrit dans son journal personnel au sujet de son désir de pouvoir naviguer le monde comme un homme:

Être née une femme est ma tragédie affreuse. Des que je suis née, j’ai été condamnée…d’avoir ma sphère complète d’action, pensée, et sentiment rigidement circonscrite par ma féminité inévitable. Hélas, mon désir consommant de me mêler et bavarder avec des gangs de la route, des marins, des soldats, des habitués des bars — d’être partie d’une scène, anonyme, en tout écoutant, en tout notant — tout est ruiné par le fait que je suis une fille, une femelle toujours en danger des coups et des blessures…je veux parler avec tout le monde aussi profondément que je peux.

Cleo souffre, d’une certaine façon, de la même difficulté que Sylvia Plath quand il s’agit de son objectification sur la scène publique, et puis son incapacité de simplement exister, sans avoir besoin de performer la féminité. Le problème sous-jacente de la manière dont Cleo opère dans la début du film n’est pas celle d’une manque de subjectivité de la part de notre sujet. C’est plutôt qu’elle existe dans un monde qui limite la sphère de son être, un univers construit qui l’autorise simplement à être un objet plutôt qu’un sujet: une aimée, pas une amante, et à être vue, pas d’être voyeuse. C’est l’oeil critique et méticuleux d’Agnès Varda qui met en question cette représentation du féminin.

Nous pourrions tenter à tracer les racines de la manière dont Cleo se regarde (et son incapacité de vraiment exister hors les yeux d’un autre) sous l’angle purement de l’objectification et la commodification du corps féminin. Oui, c’est un fait irréfutable que la société objectifie les femmes, surtout les femmes jeunes et belles, et ce groupe immense inclut bien Cléo. Mais d’arrêter là — Cléo est une femme, la femme est objectifiée et puis forcée à intérioriser cette conception d’elle même comme un objet sexuel, qui n’existe que comme une sorte de poubelle dans lesquelles les hommes jettent leurs désirs, passions, et spermatozoïdes, et, comme on dit en anglais, ain’t that bad — est trop simpliste, à mon avis. En fait, de fourrer l’histoire de notre protagoniste dans ce discours de l’objectification de la femme dans un cadre sexuel reviendrait à nier une des nombreuses subtilités de sa situation concernant l’espace sociétale qu’elle occupe. Elle ne vient pas de la même espèce de femme fatale comme Brigitte Bardot ou Catherine Deneuve; elle est sa propre sorte d’animal. Sauf pour un bref intermède avec son amant, José (qui semble si insignifiant, au point de ne pas avoir son propre chapitre dans la chronologie), on ne la voit pratiquement jamais dans un contexte vaguement sensuel. En réalité, Cléo est représentée comme une sorte de poupée: infantile, désexualisée, intouchable, et parfaite. Ce statut est infiniment délicat et solitaire pour Cléo. Finalement, il ne peut pas coexister avec le cancer, et tout ce qu’une telle maladie symboliserait.

Pendant cette époque-la, l’existentialisme était aussi à la mode que le yé-yé ou les minijupes. C’est facile d’etablir un parallele entre les théories existentialistes de Jean-Paul Sartre (comme exprimées dans ses oeuvres comme L’être et le néant, Huis Clos, etc) et la manière de laquelle Cleo habite son petit coin du monde. Dans Huis Clos, par exemple, trois personnes mortes sont condamnées, coincées ensemble dans une petite chambre (avec du décor affreux) pour l’éternité. À la fin, le personnage Garcin fait une déclaration, qui avec du temps est devenue une des citations les plus célèbres et les plus malentendues dans la philosophie: “L’enfer, c’est les Autres.” Ce qu’il veut dire par là n’est pas ce qui semble évident, que les gens sont horribles en general (mais ca c’est un sujet pour un tout autre discours). Au contraire, il veut dire que le pire incarnation d’enfer n’est pas celle que Hieronymus Bosch ou John Milton imaginaient, avec des horreurs physiques. Le vrai enfer est l’emprisonnement de chacun d’être avant tout un objet, soumis aux regards fixes des autres, et enchaîné perpétuellement à leurs perceptions. Cléo, comme la poupée et pop star qu’elle est, est aussi une esclave des regards des autres. Au début, même sa subjectivité est définie par le simple sac de chair et sang qui contient son vrai être — ou, plutôt, par le regard d’autrui sur ce sac. En plus, dans L’être et le néant, Sartre illustre son idée du “mauvaise foi” avec l’exemple d’un serveur dans un cafe. “Considérons ce garçon de café,” il écrit. “Il a le geste vif et appuyé, un peu trop précis, un peu trop rapide…Toute sa conduite nous semble un jeu. Il s’applique à enchaîner ses mouvements comme s’ils étaient des mécanismes se commandant les uns les autres…Il joue, il s’amuse. Mais à quoi donc joue-t-il? Il ne faut pas l’observer longtemps pour s’en rendre compte: il joue à être garçon de café.”

Cléo, derrière sa petite perruque, est exactement comme ce “garçon de café” de Sartre. Au moins dans la première moitié du film, elle n’est qu’une actrice, qui joue le rôle de cette Cléo. En fait, elle joue habilement ce rôle, et parfois semble elle-même d’être convaincue de son propre spectacle. Elle fait semblant d’être modeste quand sa chanson passe à la radio, mais elle fait la gueule quand personne la reconnaît dans un cafe. Elle se vante à la chapellerie que tout la va et admire sans cesse son visage dans le miroir, mais dit à son amie Dorothée qu’elle ne pourrait jamais poser nue, de peur qu’ils en trouvent un défaut. Elle souffre terriblement dans cette purgatoire qui est l’attente pour ses résultats médicaux, mais elle cache sa maladie de son amant, avec qui elle a une liaison bizarrement distante et froide. Selon elle, la seule chose qui la garde en vie est son apparence aux autres, qui est le produit d’une performance méticuleuse. Elle est aussi soumise à un processus qu’on appelle “l’effet de projecteur” dans la psychologie: un biais cognitif qu’on peut confondre avec l’égocentrisme ou l’auto-glorification. En réalité — ou peut-être non — cette illusion pose le soi comme le centre autour duquel tous les autres planètes tournent, et surestime l’attention que tous les autres au Soi. Dans le cas de Cléo, il serait plus facile de présupposer qu’elle est simplement une petite fille obsédée par sa propre beauté. Mais ce qui fait passer sournoisement pour la simple vanité ou égocentrisme ici est vraiment quelque chose de plus grave: une totale manque de conscience de soi et d’identité solide.

Tout me va !

Sa beauté externe, si superficielle soit-elle, est tout ce qu’elle a en tant qu’identité. Donc, quand la perte de sa vie — et, encore pire, sa beauté — devient possible dans le forme du cancer, elle subit une transformation profonde. C’est vers sa réalisation de la finalité de sa vie — et puis de l’insignifiance de la beauté superficielle et des perceptions des autres — que Cléo est en fait capable de vraiment voir le monde, dans tout sa beauté et laideur, et d’accéder, d’une certaine façon, la sublime qui existe dans le quotidien. Elle arrive à se dépouiller de sa narcissisme superficielle qui la rend aveugle a la realite qui l’entoure, et (comme Sylvia a tant désiré) devenir une flâneuse, une partie de la scène plutôt qu’une scène elle-même. La difficulté ici, néanmoins, est que la flâneuse — un concept relativement moderne, le résultat de la féminisation d’une idée définitivement masculine du 19ème siècle — est, d’une certaine manière, une impossibilité.

Il y a une forte différence entre la Cléo qu’on voit dans la première moitié du film, et la Cléo qu’on observe et dont le corp on habite dans la deuxième moitié. On peut voir sa transformation vers ses promenades, ses errances dans la ville, et ses interactions avec les autres dans la rue. La rue, dans le contexte parisien, est historiquement un haut lieu de la contemplation et l’observation des autres. Au moins, elle avait cette signifiance pour les hommes du 19ème siècle, ou les flâneurs trouvaient la beauté dans l’oisiveté et l’exploration de la ville, sans but ni loi. Avec du temps, la question de la “femme flâneuse” a attirée plus d’attention aussi. Cinq minutes après le début du film, Chapitre 1 commence. Bien que la duration du film ne soit pas exactement en accord avec le défilement du temps dans l’univers du film, on voit ici une correspondance parfaite: “Cléo de 17h. 05 à 17h. 08.” Elle sort du bureau de la voyante, et regarde les gens qui attendent, ils se détournent immédiatement les yeux. Une répétition trois fois d’un seul cadre de son visage (5:33), suivi par un cadre qui montre le mur de son angle de vue en descendant, indique aux voyeurs qu’on entre dans une différente dimension, où tout est déformé et tordu. Au pied des escaliers, dans un moment particulièrement frappant, Cléo se regarde dans le miroir, transfixe, et proclame: “Être laide, c’est ça la mort. Tant que je suis belle, je suis vivante — et dix fois plus que les autres.” Selon cette version de Cléo, le point d’appui de sa vitalité n’a rien à voir avec ce qui se passe à l’intérieur de son corps, dans ses tuyaux ou ses entrailles. Au contraire, c’est sa jeunesse et sa beauté externe qui la définissent, et qui la rendent vivante. La laideur, plutôt que sa descente inévitable dans la maladie, est un destin pire que la mort. Selon cette paradigme, la beauté se présente et s’impose comme une symbole de la jeunesse et la santé. C’est l’illusion de l’immortalité qui est totalement brisée par l’idée de sa maladie. Grâce à l’oeil d’Agnès Varda, on a la chance d’habiter dans le peau de cette poupée, serait-ce que de 5 à 7, pendant que son destin imminent et abominable devient de plus en plus proche. Donc, sans plus dire, Cléo continue à faire sa première promenade.

Pendant sa première promenade, elle est le centre de l’action. Un homme la poursuit pour la montrer une robe; un autre mec la demande à voix basse “Alors, on se promène?” Elle existe dans ce monde comme le simple objet des regards des autres, et pour elle, le monde n’est qu’un murmure constant. Finalement, quand elle arrive au café, et la Chapitre II commence avec Angèle, on voit définitivement qu’elle n’est pas une flâneuse à ce moment précis. Un flâneur marche sans but, sans destin exprès. Dans cet univers, où tout la va et tout le monde la voit, elle existe dans une sorte de labyrinthe de miroirs: incapable de voir la réalité autour d’elle, ni de voir la superficialité de son existence. Pendant la deuxième moitié du film, elle flâne. Pendant qu’elle marche tout autour les rues de Paris elle commence, peut-être pour la première fois dans sa vie, à noter et surveiller le monde.

Au plein coeur du film, pendant Chapitre VII (Cléo de 17h. 38 à 17h. 45), on voit un moment clé dans le développement d’une nouvelle sorte de conscience de soi. Ce tournant se passe quand Cléo chante sa nouvelle chanson avec Michel Legrand, “Sans toi.” La scène commence avec la caméra posée sur elle, avec les autres personnages encore visibles dans notre périphérie (37:58). Le regard de l’autrui est aussi palpable et évident que toujours. C’est quand son visage sombre occupe le cadre entier (38:39) — au même moment où elle chante les paroles “belle en pure perte” et se lève les yeux vers nous, les voyeurs — où on est témoin d’une vraie révélation. Elle commence à pleurer, mais ses larmes sont d’une sorte toute différente: réelles. Auparavant quand elle pleurait, comme on voit au début du film avec la voyante ou plus tard dans le café, elle jouait un rôle, exactement comme le “garçon du café” de Sartre dans L’être et le néant. Mais quand elle chante cette chanson, les paroles la force à se rendre compte la réalité de sa situation. Contrairement à ses autres chansons, qui semblent vide, même absurdement superficielle en comparaison, cette chanson la rend toute nue d’un point de vue émotionnel. En chantant les paroles — Je suis une maison vide…une île déserte…Belle, en pure perte — elle doit regarder dans un tout autre miroir. Elle finit par se confronter directement à la mortalité avec ces mots finals: Et si tu viens trop tard/On m’aura mise en terre/Seule, laide et livide/Sans toi, sans toi. Du coup il devient clair que, pendant tout ce temps, elle n’était qu’un “corps avide.”

Après avoir terminé la chanson, quand le personnage du pianiste l’appelle capricieuse, elle répond avec une nouvelle férocité qui fait illusion à un changement profond dans sa psyché. “C’est vous qui faites de moi une capricieuse. Tantôt je suis une idiote, une incapable, une poupée de son…” Quand Legrand l’appelle “enfant gâté,” elle arrive à une sombre conclusion: “Tout le monde me gâte, personne ne m’aime” (40:23). Avec ces deux citations, elle reconnaît deux aspects essentiels de son problème. Premièrement, elle voit avec les yeux clairs la construction de son identité par l’autrui. Cet enfer qui est les autres est si enraciné avec sa beauté externe. Le monde la voit comme une capricieuse, idiote, une simple poupée, donc elle n’a aucune autre choix. Deuxièmement, elle met en relief le vide de ses liens avec les autres gens, et la solitude de son existence. Après cela, elle se met en noir, enlève sa petite perruque, et déclare à Angèle et tout le monde qu’elle veut être seule.

Avec sa sorte de scaphandre dans le forme d’un chapeau nouveau (une signe dangereuse de malchance!) Cléo se plonge dans les rues de Paris pour sa deuxième promenade. On est totalement plongé aussi dans sa réalité, même avec le son diégétique d’un petit enfant qui joue du piano juste devant son bâtiment. Soudain, elle commence à noter les signes partout, toutes liées à la santé: BONNE SANTÉ sur une devanture. Elle se regarde dans le miroir, apparemment pour la millième fois dans le film, et tout ce qu’elle voit est tordue par sa propre égocentrisme. Elle soupire, en voix-off: “Depuis toujours je pense que tout le monde me regarde, et que moi je ne regarde personne que moi, c’est lassant.”

Néanmoins, soudain, elle est arrachée de ses pensées d’apitoiement sur elle-même. Sa curiosité est volée par une artiste de rue qui régurgite les grenouilles, qu’elle regarde avec du dégoût visible. Cléo se balade, et continue à noter, à observer, avec un désir de tout voir et de tout avaler. Elle vagabonde, elle explore, elle entre dans un café où quasiment personne ne la remarque (sauf un homme, qui lui offre une boisson). Comme une sorte de voyeuse, c’est elle qui voit et qui entend: des disputes au sujet de l’art et de la poésie; des querelles d’amoureux; des mégots qui rassemblent sur la table des gens, perdus dans leurs conversations, leurs journaux, et leurs pensées. Peut-être c’est pour ça que cette chapitre a le titre de “Quelques Autres de 17 h.45 à 17 h.52” (44:17) — pour la première fois, Cléo se transforme en sujet observateur plutôt qu’objet observé. Pendant ces moment précieux, elle commence à vivre le rêve de Sylvia Plath, et devenir “flâneuse.” J’utilise ce mot-là avec pleine reconnaissance de l’impossibilité d’un équivalent féminin de l’homme flâneur. Malgré ses promenades et ses errances, elle est toujours une femme, soumise aux commentaires aguicheurs des hommes dans la rue. La rue appartient à l’homme; il a le droit d’exister, de tout contempler et observer là, sans danger ni interruption. La rue n’appartient pas à la femme de cette manière, donc il est impossible d’encadrer la flâneuse comme l’équivalent des hommes nomades poétiques et urbaines qui ont donné naissance au terme original. “L’enfer, c’est les autres” est vrai pour chacun entre nous, mais pour la femme, sa présence en public signifie particulièrement clairement ce fait de la vie. La femme publique reste toujours en opposition avec la femme honnête. Pour Cléo, une femme belle mais celle dont la beauté semble en péril, sa vraie maladie, l’égocentrisme superficielle, devient claire au fur et à mesure de ce film. Avec le savoir que cet état imposé est temporaire, elle est libérée.

En guise de conclusion, Cléo de 5 à 7 est l’histoire d’une femme qui trouve la vérité de sa vie, et la vraie beauté complexe de son monde, grâce au cancer. Contrairement à la progression chronique vers la mort (et puis la perte de beauté) dont on est témoin, on voit au fur et à mesure du film que, en développant une conscience de soi plus profonde, elle devient de plus en plus vivante. Sa mort inévitable expose que sa beauté n’est qu’une barrière entre elle et le monde. Sa prise de conscience de la nature temporelle de sa beauté la rend capable de vivre comme un sujet, plutôt qu’un objet esthétique. Je divise cette transformation radicale, cette métamorphose de la conscience en deux éléments particuliers: sa réalisation de la trivialité de sa beauté superficielle, et son éveil au monde extérieur, au-delà de la perception des autres. Elle arrive à devenir une flâneuse, une voyeuse vagabonde, au sein d’une société qui rend impossible une telle conscience de soi profonde et complexe. En vagabondant vers les rues de Paris, notant et admirant même les détailles insignifiantes, Cléo devient une femme flâneuse. C’est par sa mort imminente que son masque de sommeil est enlevé. Elle trouve sa liberté dans les rues de Paris, entre les heures de 5 à 7.

Enfin, elle devient un être humain. Une observatrice du monde.

SOURCES:

Mendoza-Denton, Rodolfo. “The Spotlight Effect.” Berkely Blog, 5 June 2007, https://blogs.berkeley.edu/2012/06/05/the-spotlight-effect/.

Orpen, Valerie. Cléo de 5 à 7, p. 77. L.B. Tauris & Co, 2007.

Plath, Sylvia. The Unabridged Journals of Sylvia Plath. Anchor Books, 2000.(La traduction est la mienne.)

Sartre, Jean Paul. Huis Clos and Other Plays. Penguin, 2000.

Sartre, Jean Paul. L’être et le néant: essai d’ontologie phénoménologique. Gallimard, 1949.

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Sarah Marjorie Lyon

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